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Les Triptyques de S. R.

Marc Gauchée

Ecrivain et blogueur cinéphile
 

Comme le dit le communiqué de presse de la Under Construction Gallery, les toiles de Sandrine Rondard racontent

« une histoire dont l’issue n’est jamais dévoilée » et créent « un va-et-vient constant entre enchantement et inquiétude » à partir de « mondes sans repères ». Rien de contradictoires avec les deux triptyques présentés jusqu’au 24 septembre 2017 : Le Gilles en rose et Séverine ou Le Lac (2017).

 

En revanche, ces triptyques sont bien loin de

« mondes sans repères ». Certes Gilles en rose

est peut-être un homme ayant perdu ses repères

puisqu’il s’habille en rose (et pas en bleu) ! Côté

enchantement, ce ne pourrait être que les

sympathiques facéties d’un homme déguisé

en cochon. Mais, côté inquiétude, le déguisement

pourrait tout autant renvoyer aux parodies

animalières (par exemple avec les délires chantés

des Brigandes contre les francs-maçons) ou

à des usages violents (par exemple dans Orange

mécanique). Le rose, si traditionnellement féminin

et positif (Édith Piaf voyait bien La Vie en rose dès

qu’il la prenait dans ses bras en 1945) et le masque

en deviendraient alors moins drôles et innocents.

C’est l’une des forces des toiles de Sandrine

Rondard : susciter un va-et-vient entre des

imaginaires et des registres qui s’opposent.

L’ironie la gagne peu à peu depuis qu’elle s’est

affranchie de la « sagesse » de ses premières

toiles et explore la fusion narratrice entre ses

personnages et ses paysages. Dans le souci de

ne pas perdre son spectateur en route, la voie

prise n’est pas complètement radicale : le tableau

demeure figuratif, avec des paysages, des

personnages, mais l’histoire laisse passer des

détails d’où pourrait sourdre la rébellion,

la mélancolie voire une certaine tristesse.

Et, à la différence de Thomas (David Hemmings)

dans Blow Up (de Michelangelo Antonioni, 1966),

ce n’est pas l’artiste, c’est le spectateur

qui est invité à faire le voyage depuis la tendre

figuration jusqu’aux sombres menaces qui se

trouveraient derrière, à trouver le détail qui tue.

Le triptyque Séverine ou Le Lac est dans la même veine. Le personnage s’avance en équilibre, avec précaution et prudence, comme faisant ses premiers pas sur l’eau. Mais l’élégante démarche est vaine : les oiseaux s’envolent quand même et la ligne d’horizon figure une nature en flammes orangées.

Et puis il y a cette culotte placée en plein centre, aplat bleu monochrome entre un ciel de fond bien nuageux et l’eau du lac renvoyant encore déformé ce trouble céleste. Une culotte visuellement immanquable, car surlignée par le débardeur dont la légèreté est contredite par le noir le plus sombre. Sofia Coppola, dans Lost in translation, cadrait plein écran sur la culotte rose de Charlotte (Scarlett Johansson) dès le début de son film. Bleu ou rose, les couleurs seraient-elles trompeuses ? La suite de l’histoire reste à écrire…


 

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